Le cinéma français est-il un malade imaginaire ?

C’est dans le décor du « Malade imaginaire » du Théâtre Ephémère de la Comédie Française que s’est réunie hier la Grande Famille du cinéma français pour ses Assises. Un terme un peu pompeux pour une petite après midi de débats surtout constitués de monologues devant un public un rien clairsemé. Il faut cependant rendre hommage aux intervenants – de qualité – des trois tables rondes de ne pas avoir pratiqué la politique de la chaise vide, Vincent Maraval (Wild Bunch) en tête. « Le CNC a senti son système attaqué, c’est son opération de communication » rappelait en coulisse ce dernier. Mais en pratique, le CNC n’a pas eu le choix puisque ce rendez-vous lui a été demandé par la Ministre de la culture, qui a d’ailleurs clôturé la journée par un discours appelant à la cohésion de notre « village gaulois » du cinéma.

Merci Kaka (dans le Film Français)

Merci Kak (dans le Film Français)

Même si trois débats aux thèmes précis étaient prévus (concentration/diversité, films du milieu, premiers films) aucun n’a vraiment traité de son sujet, à l’exception du débat du milieu sur les films du milieu (de 4 à 7 M€ de budget). Mais sinon, chacun a préféré parler de son nombril : distributeur, producteur, réalisateur soulignent tous qu’ils prennent des risques importants à chaque film. Et tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut produire beaucoup de films en France et sur la hausse globale des coûts. Comme le résumait le cinéaste Costa Gavras, ouvrant les débats : « Le problème du cinéma c’est l’argent ». Ce à quoi répondait une heure plus tard Didier Duverger (banquier du cinéma à Coficiné) : « Je suis déçu, je suis venu pour entendre parler d’argent et ça n’a pas été le cas, sans doute parce que ça fâche ».
On peut pourtant retirer de cette après midi quelques chiffres intéressants : le CNC a rappelé que les rôles principaux ne pèsent pas davantage sur le budget des films qu’il y a dix ans (lien dans mon post précédent), mais aussi que les films français qui réalisent moins de 50 000 entrées en salles (43% en 2011) étaient aussi voire plus nombreux il y a vingt ans (60% en 1992 !). Manuel Alduy, big boss du cinéma à Canal+, a expliqué de son côté que si la chaîne cryptée préachète toujours autant de films depuis dix ans, le nombre de projets reçus a été multiplié par 3. « Forcément ça fait beaucoup plus de mécontents ». Mais ce qui agite vraiment la profession en ce moment, c’est la négociation de la nouvelle convention collective qui s’est invitée dans le débat (les syndicats de techniciens présents dans la salle ont distribué des tracts à l’entrée et n’ont pas manqué de prendre la parole dès que possible). Les représentants des exploitants eux, n’étaient pas là, et c’est dommage, car le nœud actuel est vraiment la distribution des films en salles en France. Il y a 5 ans, le Club des Treize, mené par la réalisatrice Pascale Ferran, réfléchissait à la situation du cinéma français avec intelligence : en mêlant toutes les professions (du scénariste à l’exploitant), en se réunissant régulièrement mais pas en public. Un rapport assorti de propositions a été publié seulement lorsque tout le monde est tombé d’accord. Et aucun ministre à l’époque n’avait demandé à ces professionnels de se pencher sur la question. La moitié de ces propositions (celles concernant le volet distribution et exploitation) est restée lettre morte. Or c’est cet échelon qui souffre en ce moment : si on s’y penchait à nouveau ? Mais mercredi après midi, tout le monde préférait se tourner vers Pierre Lescure, devenu le sauveur potentiel du cinéma français (sa mission rendra ses conclusions en mars prochain)….

Le 23 janvier au Théâtre éphémère

Le 23 janvier au Théâtre éphémère

A propos valerieganne

Journaliste free lance
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