Scandale : les jurys cannois sont manipulés par Jean Labadie depuis 25 ans !

Retour tardif sur une polémique récente : dès le dimanche 27 mai au soir à l’annonce du palmarès du dernier festival de Cannes, la rumeur enflait de Twitter au Net en passant par la radio (France Inter) pour atterrir dans la presse (Le Monde et Le Film Français). Le jury présidé par Nanni Moretti était sous influence, puisque quatre des six films primés ont pour point commun la société Le Pacte, qui en était coproducteur et/ou distributeur (Reality de Matteo Garrone, La part des anges de Ken Loach, Au-delà des collines de Cristian Mungiu, et Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas).

Or, Le Pacte est justement le coproducteur et distributeur français du précédent film de Nanni Moretti, Habemus Papam, sélectionné à Cannes en 2011. Et on pourrait ajouter que Matteo Garrone a aussi été le chef opérateur de Moretti sur Le Caïman. Bref, scandale.

Mais parfois un simple regard en arrière suffit à nuancer des avis hâtifs. Le Pacte est une société de distribution et de production créée par Jean Labadie en décembre 2007, mais elle n’est pas apparue du néant : car vingt ans auparavant, en 1986, ce même Labadie est à l’origine de Bac Films, vite devenu le premier distributeur indépendant français. Il a connu des déboires financiers et le rachat de Bac par Millimages (2003), avant d’être évincé et de partir monter à nouveau sa propre structure, ce qui nous ramène à 2007. L’année même où le premier film de Cristian Mungiu, que Bac distribuait en France, obtenait la Palme d’or… Car, oui, Bac Films est bien le distributeur et coproducteur « historique » de Moretti – qui a suivi Labadie quand il a créé sa nouvelle structure-, mais aussi de quinze films ayant obtenu la Palme ou le Grand prix du Jury à Cannes en vingt ans. Parmi eux, huit Palmes d’or, dont au début une reçue chaque année (une sorte de Quinté + de la Palme, qui a assuré sa réputation de fin limier pour quelques siècles) : Sailor et Lula en 1990, Barton Fink en 1991, Les meilleures intentions en 1992, La leçon de piano en 1993, Pulp Fiction en 1994  puis… La chambre du fils (et oui, de Nanni Moretti) en 2001, Le pianiste en 2002, et enfin Quatre mois, 3 semaines, 2 jours en 2007.

Neuf jurys du festival de Cannes et leurs présidents auraient donc été manipulés par le puissant Jean Labadie, année après année ? Plus sérieusement, le créateur du Pacte a du nez pour choisir ses films, et il est connu pour ne jamais lâcher le réalisateur qu’il « veut » jusqu’à obtenir son accord. On peut aussi se souvenir que c’est lui qui a fait connaitre en France Theo Angelopoulos, Jim Jarmush ou James Gray.

Alors oui le palmarès 2012 a déçu, et plus particulièrement les journalistes français à cause de l’absence de Holy Motors de Léos Carax, réalisateur d’autant plus aimé qu’il sort élégamment de treize ans de purgatoire. Rappelons que le distributeur français d’Holy Motors est Les Films du Losange. Qui est le producteur des films d’Haneke, et donc de la Palme d’or de cette année, Amour. Le cinéma français est une grande famille et un petit monde.

A propos valerieganne

Journaliste free lance
Cet article a été publié dans Uncategorized. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Scandale : les jurys cannois sont manipulés par Jean Labadie depuis 25 ans !

  1. Anne Guimet dit :

    super ton article ! des bisous

Laisser un commentaire